Un ami m’envoie un texto : « As-tu vu que le Forum des Images (de Paris) lance le festival de film LGBT ? ». Ben, non. Petit tour d’Internet, et là j’hallucine : samedi, est programmé « Apparence féminine ».
Ce film de Richard Rein, sorti en 1979, a marqué ma vie de jeune adulte : il m’a révélé une dimension de genre, d’être, de désir peut-être qui me travaillait depuis quelques années, en bon adolescent post-soixante-huitard, ayant vu les années de développement de la revendication sexuelle (dont le Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire FHAR), mais très introverti.
Donc, à moins de 25 ans, en vie de couple avec la future mère de mon enfant, connaissant depuis plusieurs années mon attirance pour les hommes, je découvre ce documentaire, qui, 32 ans après, reste largement vivace dans ma mémoire. Surtout, je retrouve le climat qui me submerge d’émotions, les impressions sont restées intactes.
J’ai insisté pour emmener mon chéri, qui était tout juste né lors de la parution du film. Je ne pensais pas que nous vivrions un moment d’une telle intensité?: en plus de l’histoire rocambolesque d’une bobine retrouvée par hasard 3 décennies après dans le cinéma qui l’avait diffusée, l’organisatrice explique comment au visionnage, d’emblée, la décision a été prise de l’inclure dans la programmation du festival, malgré la qualité un peu dégradée, car toute la pellicule baigne dans une dominante rougeâtre.
Mais surtout, elle présente Dominique, née Jean-Paul, sujet du documentaire, et le réalisateur, avec nous dans la salle. Incroyable, impensable.
Les 80 minutes écoulées (ne comptez pas sur moi pour retranscrire l’indicible, le cheminement, les photos, les doutes et les affirmations, la beauté de Dominique), le débat s’instaure, lancé par cette dernière qui se trouve immature à l’écran ? certainement pas’! Tâtonnante, oui, et rayonnante aussi. Hélène est aussi dans la salle, elle que j’ai déjà « repérée » dans les marches des fiertés et de l’Existrans, qui, complice de l’héroïne dans le film, s’emporte contre les aspects datés de certains concepts.
Pas d’accord pour exagérer les faiblesses de l’œuvre. Bien sûr, 30 ans après, le tournage serait différent, moins statique, des maladresses seraient gommées, tel propos serait plus ouvert.
Mais une alchimie moderne et durable s’est produite : partant des restes de pesanteur d’une vie de jeune angoissé et taiseux, j’ai pu notamment grâce à ce film élargir le champ du possible, ouvrir l’horizon de la vraie vie à une époque où il a fait œuvre de pionnier ( Un autre film contemporain était sorti, que j’avais également vu, « Comme une femme » ; dans mon souvenir, sa qualité était moindre que celle du présent documentaire), construire ou contribuer à construire ma personnalité.
Le cheminement a été fait de grands bonheurs, parsemés d’embûches et de coups durs. Le film montre deux personnages secondaires (deux hommes’) tous deux maintenant décédés, apprendrai-je lors du débat, dont l’un du SIDA. Car ces années sont aussi passées par là, et ont congelé dans le glacis des ravages de la maladie certaines avancées, favorisant le repli frileux ou égoïste. Car, plus près, ma dernière compagne a succombé au cancer.
Mais si je vis aujourd’hui un grand amour, une relation entière, une plénitude inespérée, une affirmation de soi de plus en plus ouverte, un chant du possible sans cesse renouvelé, ce film y a directement contribué, comme bien sûr les relations nouées et dénouées, les joies de la paternité (et de la grand-paternité), le soutien des confidentes et confidents.
Dominique, Richard, Hélène et les autres, vous avez été des passeuses et des passeurs. Sans vous mes ailes auraient été différentes, ma démarche aurait été plus claudicante.
Et cela, c’est inestimable. Merci à vous. Et à vous, à la programmation du festival, pour avoir retrouvé et fait connaître un trésor
Marie-Vie
NB : les deux protagonistes ont en projet de « compléter » ce documentaire avec une actualisation, plus tournée vers les pas complémentaires faits par Dominique, ses créations artistiques’ Hélène y participera-t-elle?? Ce serait super. Vous qui me lisez, guettez, et dès qu?il paraît, courez-y comme nous y courrons.
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