Bi’Causerie – Aimer plus d’une personne à la fois

Compte rendu de la Bi’Causerie du 02/03/2002 – Aimer plus d’une personne à la fois

C’est Michel qui animé le débat.

Depuis novembre 2000 nous faisons circuler notre manifeste.

Or depuis le début, on pouvait y lire la phrase « Je suis capable d’aimer plus d’une personne à la fois ». Celle-ci a suscité une réaction assez virulente en novembre 2001 sous la forme d’un  » NON  » noté sur la charte, suivi d’un  » Tourner la page « . Au verso se trouvait l’explication : la personne avait écrit que tous les bisexuels ne se retrouvaient pas dans cette assertion. Cela a intrigué Michel.
Pour mieux cerner le sujet de ce soir, Michel a donc cherché à définir  » aimer  » et a commencé par repérer trois sens dans le Larousse :

  • « avoir de l’affection pour »
  • « avoir de l’attachement pour »,
  • « éprouver de la passion pour ».

Il s’agit manifestement de trois degrés différents.
Pour encore mieux cerner le sujet, Michel a alors cherché la définition des trois mots clés de ces expressions, cette fois-ci dans le Littré :

  • affection : « manière d’être de l’âme considérée comme touchée de quelque objet »,
  • attachement : « sentiment d’affection qui lie, qui attache »,
  • passion : « mouvement de l’âme qui s’empare de tout le cœur et se subordonne toute chose ».

Avoir de l’affection pour plusieurs personnes c’est tout à fait commun.
Éprouver de la passion pour plus d’une personne à la fois, c’est exceptionnel.
Mais « avoir de l’attachement pour plus d’une personne à la fois », c’est-à-dire « être lié, attaché à deux personnes à la fois », c’est possible et c’est peut-être le lot de nombreux bisexuels, en tout cas de bisexuels « simultanés » (et sans doute aussi de monosexuels). C’est même le cas de nombreux bisexuels qui vivent une relation avec un homme et une relation avec une femme à la fois.

Question : que nous apporte de spécifique l’amour-attachement envers une personne de même sexe que soi et que nous apporte de spécifique l’amour-attachement envers une personne de sexe différent ?
Une personne rappelle qu’à l’émission de J.-Cl. Delarue diffusée mardi 6 mars dernier, aucun témoin n’a réussi à répondre à cette question.
Patrick : Les bisexuels sont-ils plus aptes que les monosexuels à aimer 2 personnes ? Le poids de la société n’autorise pas l’amour double et n’accepte que le couple à deux, pas à trois.
Michel : Attention, on peut être attaché à une personne dans le cadre d’un couple et en plus attaché à une personne hors de ce couple. Il n’est pas question ici de couple.
Jules : Il faut parler du sentiment de complétude recherché dans une double relation, avec une femme et avec un homme. (Jules emploie alors le terme  » infidélité « .)
Michel : Une femme m’a raconté qu’elle a vécu la même chose que moi, à savoir :
– dans la relation hétéro je joue un rôle protecteur,
– dans la relation homo je suis protégé.

Je remarque que je ne suis pas seul à vivre ainsi. Mais je n’irai pas jusqu’à généraliser.
Patricia : Il ne faut pas forcément parler d’infidélité mais de polyamour. Je ne pense pas que nous les bisexuels ayons spécialement plus besoin de relations polyamoureuses.
Sébastien : Ne s’agit-il pas, pour les bisexuels, d’avoir une propension à aimer plus d’une personne, et pas spécialement un homme et une femme ?
Olivier : Une relation amoureuse est quelque chose de privilégié. Il est donc difficile d’aimer deux personnes et ça ne semble pas lié au poids de la société, c’est une limite qui vient de soi.
Laurence : Au-delà du poids de la société, cela est lié à notre relation avec notre père et notre mère.
Alain : Le problème vient des personnes qu’on aime : c’est de là que vient le poids.
Michel : Je n’ai pas parlé de l’amour au sens chrétien mais j’aurais pu en parler. C’est l’amour où on se dit :  » Si j’aime quelqu’un, je n’ai pas le droit de le faire souffrir « .
Patricia : Le couple hétéro est la base dans l’esprit des gens. La société dit qu’on n’a pas le droit d’aimer deux personnes.
Laurence : Ça dépend des pays.
Francis : On parle rarement de la cause de la bisexualité, à Bi’Cause, mais tout le temps de ses effets. Si on comprend la cause, les effets s’atténuent.
Jules : on peut se poser la question de la sexualité du futur. (Là je n’ai pas compris ce qu’il disait.)
Sabrina : Comment ne pas avoir l’impression qu’on trahit une personne quand on en aime une autre ? Dans la passion, c’est très très dur.
Gérard : On peut aimer un couple avec passion.
Michel : A la question « Peut-on aimer plus d’une personne à la fois ? », il faut répondre de façon très égocentrique.
Alain : Il faudrait que quelqu’un raconte son expérience.
Michel : Lorsque j’aime l’un je pense à l’autre. Mon ami et ma femme connaissent la situation. Je pense que mon besoin d’avoir l’un et l’autre vient de ma vie d’enfant de divorcés, allant de mon père à ma mère et réciproquement de façon équilibrée. Ne faut-il pas voir dans l’histoire familiale de certains bisexuels ce genre de relation équilibrée envers le père et la mère ? En tout cas, le mieux pour que les partenaires ne souffrent pas c’est qu’ils soient au courant de la double relation.
Sébastien : Il m’est arrivé d’aimer deux personnes, ma copine ne l’a pas su tout de suite. Elle ne l’a pas accepté et a rompu. A ce moment, ma relation avec le garçon s’est arrêtée aussi : je ne trouvais plus l’équilibre d’avant. Mais ce besoin d’équilibre n’est pas permanent et j’ai vécu d’autres sortes de relation : avec une personne ; avec deux garçons (j’étais amoureux des deux) ; avec un couple homme-femme mais ça s’est passé moins bien parce que je préférais l’un à l’autre. En tout cas je me sens plus complet en aimant deux personnes quelque soit leur genre.
Katya : Le cœur est physiologiquement incapable de passion pour plus d’une personne. Je n’ai jamais compris pourquoi le sentiment amoureux est limité et exclusif.
Patrick : Les bisexuels n’ont-ils pas plus besoin d’affection que les autres ? Chercher à aimer plusieurs personnes n’est-ce pas chercher de l’affection ?
Sabrina : Ne peut-on pas trouver la complétude avec une seule personne ?
Sébastien : Une personne ne m’apporte pas tout, sexuellement, puisque être bi c’est aimer les deux sexes.
Patricia : Quand je sors avec une autre personne que mon partenaire, je n’ai pas le sentiment de le trahir puisque je l’aime.
Jules : Il faudrait revenir sur l’idée de complétude : ça part d’un besoin. Mais si on parle de ça on va tomber dans un radicalisme, l’idée que les hommes et les femmes sont très différents.
Gérard : Les hommes et les femmes ne sont en effet pas si différents.
Michel : Ce besoin d’aimer deux personnes reflète, pour moi, une incomplétude et un besoin d’affection.
Jules : Est-ce lié à la bisexualité ?
Michel : Je ne suis toujours pas sûr d’être bi ! Alors répondre à ta question me pose une petite difficulté…
Olivier : Tout ce que j’entends ce soir est assez égocentrique : « ce dont j’ai besoin »… Aimer c’est faire des concessions. Je ne me sens pas concerné par la discussion, on n’y parle pas assez de l’autre.
Michel : Ça n’exclut pas qu’on se soucie de l’autre. La question ce soir est pourquoi peut-on éventuellement aimer plus d’une personne. Dans une Bi’Causerie ultérieure, nous pourrions effectivement parler de la façon de gérer ça.
Patrick : Pour aimer il faut trouver une ouverture, il faut que ce soit le bon moment, qu’on soit prêt. Si on se met à aimer deux personnes, c’est qu’on est prêt pour ça. Si cela arrive à quelqu’un qui est déjà en couple, c’est qu’il y a une ouverture dans ce couple.
Clô : Olivier, rassure-toi : on évoque ici un cas de figure et non pas toutes les configurations de la bisexualité.
Jules : Je ne suis pas du tout content de ce que tu as dit, Patrick, sur cette espèce de désarroi à l’intérieur d’un couple qui pousserait une personne à aller voir ailleurs. D’autre part, le verbe « aimer » me donne des pustules. Parlons aussi de relations sexuelles ponctuelles.
Clô : Là tu sors du sujet de ce soir.
Sabrina : Patrick, tu sembles dire qu’il faut une brèche dans le couple.
Patrick : Pas nécessairement. Non, si on va aimer en dehors du couple, c’est que c’est le moment. En revanche, parfois, de se refuser de concrétiser une possibilité, cela donne une certaine jubilation. Ça dépend des moments et des personnes qui vivent cela.
Michel : Par rapport à ce qu’a dit Patrick, et pour développer et éclaircir son idée : dans mon cas, lorsque j’ai pris conscience de ma part homosexuelle, la personne avec qui je vivais n’avait pas changé ; c’est moi qui avais changé à l’occasion d’une période de remise en question due à des causes familiales.
Patrick : Oui, c’est de cela que je parlais en parlant d’ « ouverture ».
Jules : C’est alors, au minimum, une transition, ou alors le signe d’une incapacité à assumer…
(Michel, Patrick et d’autres ne sont pas d’accord et protestent.)
José : J’ai vécu une sorte d’éblouissement fusionnel avec ma femme au début. Mais, après, dès que je sortais ma femme avait peur que je la trompe. Je suis sorti avec des garçons et je l’ai dit à ma femme, qui l’a très mal pris. Nous voulions avoir des enfants, nous en avons eu. Ce n’était plus la fusion avec elle mais c’était chouette tout de même. A cette période, je n’éprouvais pas le besoin de voir des garçons, j’investissais mon énergie ailleurs. Elle a voulu plus d’enfants et moi je n’en voulais plus. Nous avons divorcé plus tard. Maintenant je sors avec des garçons et avec des filles. Je pense qu’il faut recevoir pour pouvoir donner.
Laurence : L’amour c’est tout sauf la sexualité. Ce n’est pas non plus de l’amitié parce qu’on sent qu’il se passe quelque chose : on se reconnaît avec l’autre dans une même souffrance. Je vis actuellement une relation amoureuse très forte sana relations sexuelles, peut-être la sexualité viendra-t-elle plus tard.
(Gérard parle alors de  » névrose d’origine sociale  » et de  » refoulement de la sexualité « .)
Francis : En réponse à Olivier, à propos de l’égocentrisme : on est prêt à aimer et à faire des sacrifices pour ça mais jusqu’à un certain point seulement. Dans la relation, en fait l’autre n’existe pas, il ne sert qu’à nous faire fonctionner bien.
(Réactions dans la salle.)
Michel : Oui, quand on aime quelqu’un, on aime une image.
Francis : Y’a-t-il beaucoup d’exemples de relations bisexuelles qui durent longtemps ?
Michel : On ne va pas faire un tour de table, mais je peux, moi, témoigner : j’ai vécu 13 ans en relation homo en ayant des relations avec une femme.
Bénédicte : Je ressens une part féminine et une part masculine en moi et je pense, pour reparler des causes de la bisexualité, que ces deux parts ont un rapport avec ma double attirance.
Clô : En réponse à Francis et à Gérard (à propos de ce qu’il a dit sur Laurence) : tout le monde n’a pas l’intention ni l’obligation de chercher les causes de ce qu’il vit.

Michel : En guise de conclusion :
On n’a pas répondu à la question de ce qu’apporte de spécifique une relation homo et de ce qu’apporte de spécifique une relation hétéro. Il serait profitable, d’y répondre individuellement, cela permettrait de se comprendre soi-même.

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