Bi’Causerie – La première fois

Compte rendu de la Bi’Causerie du 09/04/2001 – La première fois

 

Lors de la Bi’Causerie précédente, nous avons parlé des pratiques. Notre sujet de ce soir était un peu plus abstrait mais, contrairement aux idées reçues, pas « fleur bleue » pour autant.
Pourquoi ce pluriel, pourquoi « LES premières fois »?

  • parce que tout un chacun vit une multitude de premières fois (pas seulement sexuelles),
  • parce que les bisexuel/le/s en vivent au moins deux !

Les premières fois présentent des points communs : avant de les vivre, on les fantasme et, éventuellement, on les appréhende. Cette appréhension va même parfois jusqu’à l’angoisse:

  • peur de l’inconnu,
  • peur de se découvrir, de rencontrer cette nouvelle personne qu’on est en train de devenir,
  • peur de l’échec (qui peut se présenter sous la forme d’une déception par rapport au fantasme).

C’est pour cela que certaines personnes n’osent pas franchir le pas (quel qu’il soit) : ils préfèrent le fantasme, « fuient le bonheur de peur qu’il ne se sauve » comme dit la chanson de Gainsbourg, préfèrent rester ces personnes auxquelles ils se sont habitués : eux-mêmes.
Comme de nombreuses premières fois sont ainsi difficiles à vivre, on a inventé toutes sortes de rites initiatiques, dans un peu toutes les cultures. On peut même se demander si certains ne vivent pas leur première Lesbian & Gay Pride comme ce genre de rite :
en effet, comme dans les cérémonies de passage à l’adolescence dans des peuples africains, la Gay Pride s’organise dans une communauté qui soutient les petits nouveaux, elle implique souvent l’adoption d’une autre apparence que l’apparence de tous les jours (!), elle se déroule en musique, on s’y affiche aux yeux des amis et des connaissances comme étant autre que celui/celle qu’ils ont connu(e) auparavant, etc.
Chacun ressent à sa façon et la première cigarette (par exemple) peut être un événement pour l’un et anodine pour l’autre, mais quoi qu’il en soit, à l’occasion d’une « première fois », on se confronte avec la réalité, on quitte le fantasme.
Alors « ça passe ou ça casse », c’est-à-dire :

  • qu’on découvre ainsi ce qu’on aime et ce qui ne nous convient pas,
  • qu’on accouche de soi-même, on mue.

N.B.: les détracteurs de la bisexualité nous considèrent comme des personnes immatures, des adolescents attardés qui n?ont pas encore choisi, alors qu?au contraire, que ce soit mentalement et/ou physiquement, nous avons dû franchir plusieurs étapes particulièrement ardues.

Toutes les premières fois sont-elles à mettre sur le même plan? Les enjeux.
On peut distinguer deux pôles: le rapport à la société, le rapport à soi. Entre les deux se situe l’identité.

** L’enjeu social :

La première cigarette ou la première relation sexuelle, par exemple, peuvent être l’occasion d’intégrer un groupe, notamment à l’adolescence : on fait maintenant partie de « ceux qui l’ont fait ».
La première fois que l’on entre au Centre Gai et Lesbien, ou que l’on va à Bi’Cause, ou que l’on participe à la Gay Pride, ou que l’on fait un coming-out, on intègre éventuellement, de la même façon, une communauté. C’est au moins l’occasion de se distinguer de l’hétérosexualité.

** L’enjeu personnel :

De là, par l’intermédiaire de la notion d’identité, on en vient à tout ce qui concerne son histoire personnelle, la découverte de sensations et d’émotions.
La découverte de sa propre bisexualité désoriente souvent lorsqu’elle survient tardivement. Pendant l’enfance ou l’adolescence, les sentiments et l’attirance sont éprouvés sans trop de réflexion identitaire. La question « que suis-je? » préoccupe bien davantage les adultes.
On risque de se sentir seul dans son cas, « anormal » dans le sens où l’on se dit que quelque chose « cloche ». A cela s’ajoute éventuellement, selon l’éducation, la culture ou le tempérament, un sentiment de culpabilité.
Par ailleurs, découvrir son « hétérosexualité » n’est pas si facile que cela non plus : il s’agit de la découverte d’un corps et d’un esprit de genre différent, avec quelqu’un qui peut être dans la même situation inquiète et curieuse à la fois.
On peut remarquer une différence entre les premières expériences sexuelles et les premières fois sentimentales :

  • sexuellement, les découvertes sont multiples, d’autant plus si l’on change de partenaire,
  • sentimentalement, les premières fois ne sont pas si nombreuses que cela, et laissent une empreinte forte dans la mémoire.

Certaines personnes vivent chaque histoire amoureuse « comme si c’était la première fois », au point que leur mémoire, sans effacer les souvenirs, les atténuent plus ou moins.
La première histoire d’amour est la première référence sentimentale, elle peut influencer la façon dont on vit ses sentiments par la suite.
Ce qui peut marquer très violemment, c’est la première fois où l’on aime une personne qui ne nous aime pas en retour, et les blessures sentimentales en général.

Comme le dit le proverbe japonais: « Après la pluie le sol se durcit. » A méditer…

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