
Je vais parler de mon parcours de femme qui conjugue l’amour au masculin et au féminin.
Tout commence au début de l’année 2000, je m’apprête à fêter mes 21 ans… . Quelques jours auparavant, hasards de la vie ou destinée comme on veut… une nouvelle personne entre dans ma vie… un regard, des mots échangés, une impression de se connaitre depuis toujours… mon cœur qui s’emballe :). Serait-ce un coup de foudre ??? La réponse est limpide, elle coule de source… tellement évidente et pourtant si étonnante, vu mon passé de jeune-femme hétéro.
Que m’arrive-t-il ? Ce sentiment, je le connais… mais c’est impossible, je ne peux être tombée amoureuse de cette personne… je n’en ai pas le droit… parce que c’est une femme !!! Et pourtant si… . J’en reconnais les signes d’un coup de foudre, ce fameux sentiment d’exister, d’avoir les yeux qui brillent juste en pensant à l’être aimé.
A partir de ce moment-là, ma vie bascule lentement vers l’incompréhension totale. Les questions se bousculent dans mon esprit ; pourquoi ça m’arrive à moi ? Qui suis-je finalement ? Jusqu’à cette rencontre, je n’avais aucun doute sur mon orientation sexuelle. Mes amours, jusque-là, se conjuguaient qu’au masculin, donc j’étais hétérosexuelle. Mais voilà qu’elle est arrivée sans crier gare et qu’elle m’a mis l’esprit à l’envers en quelques minutes.
Peu à peu, la tristesse m’envahit. Que faire ? Que lui dire ? Comment être avec elle ? N’ayant pas la maturité d’aujourd’hui, je me rassure comme je peux en me disant que c’est sans doute comme on appelle « une erreur de parcours ». On se rapproche, on s’éloigne… on joue à cache-cache… à un jeu qui me semble trop ambigu, trop difficile à décoder. Les jours et les mois passent… les nouvelles s’espacent. Nos chemins semblent se séparer… pour un temps. Puis des mails qui m’arrivent pour prendre de mes nouvelles… ces courriels restent parfois sans réponse de ma part.
De là, je rencontre alors d’autres hommes, qui restent plus ou moins longtemps à mes côtés.
Fin 2002, ma vie sentimentale se stabilise avec celui qui devient mon mari et le père de nos enfants. Je lui confie mon « secret » dès le début… il ne m’a pas jugé et m’a simplement dit qu’il n’y avait peut-être pas toujours d’explication à tout. Les années passent sans l’ombre d’un nuage. Mais en 2009, le ciel s’assombrit avec l’arrivée d’une femme… . Plus aucun doute n’était possible ! Je n’étais décidément pas hétérosexuelle. Il fallait que je sache qui j’étais. Et comme la vie fait bien les choses de temps en temps, une personne m’a aidé à comprendre et à prendre mon courage à deux mains… . C’est alors que j’ai réellement conjugué au féminin.
Mais de nouveau, la question s’impose à moi : qui suis-je vraiment ? Ni hétéro, ni homo, ou les deux à la fois. Peut-être existe-il un mot pour désigner cet entre-deux ? Serait-ce la bisexualité ? Oui, en effet.
De là, j’ai commencé à aller dans des endroits pour les femmes mais j’ai plutôt croisé des femmes homosexuelles. Lorsque j’explique ma situation, on me disait que je devais arrêter de mentir. Ensuite, j’ai surfé sur des sites Internet et j’ai découvert un « monde » invisible… un univers flou sans codes définis. Les bisexuels nombreux pourtant, préfèrent s’afficher autrement : soit hétéros, soit homos. Sur la toile, j’ai discuté avec des femmes aimant les hommes et les femmes, le plus souvent mariées avec une vie de famille rangée, mais en quête d’amours au féminin et ceci dans le plus grand secret. Je découvre alors tout un panel de ces amours honteuses dont il ne faut pas parler : entre amours platoniques, propositions de plan à trois, relations cachées envers leur compagnon, je voguais sur le net à la recherche d’une relation amoureuse dans les bras d’une femme où ces moments partagés seraient justes simples, beaux, magiques, dans le respect de chacune.
J’ai commencé à en discuter avec une de mes connaissances homosexuelles et ce fut le début d’un « lavage » de cerveau. Pour elle, je n’étais qu’une femme qui refusait d’accepter son homosexualité latente depuis des années. Ma défense restait veine. Fatiguée de me battre, j’ai commencé à me dire que je devais choisir un « camp » pour rentrer dans une certaine norme. J’ai quitté Sébastien pendant quelques jours avec notre première fille, pour réfléchir à tête reposée. La réponse s’imposait d’elle-même : je ne peux pas choisir. J’ai besoin des deux… en tous cas, j’aime Sébastien. Alors, je rentre chez nous. D’un commun accord, on se dit que nous verrons bien ce que l’avenir nous réserve. Deux ans passent et mon côté hétérosexuel reprend ses droits… une deuxième petite fille voit le jour en 2010.
Les vacances d’été de 2011 seront surprenantes ; une jolie rencontre amicale tourne à l’amour. Ce fut une très belle histoire avec une femme durant six mois. Bien qu’hétéro, je fus sa première histoire homosexuelle. Elle pensait pouvoir me partager avec mon mari, hélas à la longue, elle s’en sentait incapable. Un sentiment d’amour exclusif naissait en elle et elle a préféré partir pour ne pas m’imposer un choix. J’en fus très affectée.
Un soir de début 2012, j’ai enfin décidé de pousser la porte de l’association d’Arc-En-Ciel de Toulouse où j’ai pu me confier à des personnes neutres. J’ai eu la chance de tomber sur un homme qui m’a écouté sans forcément me classer dans une case. Son accueil et ses paroles ont été d’un grand réconfort. Cet homme me suggère de sortir dans des endroits lesbiens afin de me sentir moins seule. Chose faite mais c’est le contraire qui se créé : je me sens seule dans ces lieux où les femmes s’aiment. Encore une fois de plus, on me fait savoir que je refoule mon homosexualité et que je suis immorale vu que je suis mariée. Je capitule en arrêtant de sortir dans des milieux gays/lesbiens.
Environ deux mois après, donc il y a trois ans, étant sûre que la bisexualité existe, je publie une annonce claire en stipulant que je suis bisexuelle et que je désire rencontrer une femme acceptant mon orientation sexuelle. Cette annonce est sans détours et j’assume qui je suis pour la première fois. Une femme me répond. On se rencontre à la terrasse d’un café et ce fut le début d’une relation amicale qui se transformera en amour durable. Nous inventons une vie qui se veut humaine et authentique : une relation stable et dans le respect et le consentement de chacun. Bisexuelle assumée, elle m’a aidé à m’accepter encore mieux.
Lui et elle font partie de ma vie et entre eux c’est une grande amitié qui se tisse au fil des jours. Nos deux filles s’attachent à elle et c’est réciproque ! Suzy devient une figure d’attachements pour nos deux petites têtes blondes (âgées de 9 et 4 ans actuellement).
Aujourd’hui, je vis ma bisexualité de façon simultanée qui fait référence aux amours pluriels… . Aimer deux personnes en même temps, cela demande une bonne organisation et beaucoup de temps. Simple ? Non, loin de là mais possible. De plus, il faut que nos deux partenaires acceptent de partager la même personne et qu’ils s’entendent bien. Ce schéma idyllique pour certaines personnes bisexuelles peut s’avérer difficile à trouver.
Étant donné que le modèle de couple est plutôt hétérosexuel monogame, il est évident que la bisexualité simultanée dérange. Elle vient chambouler nos représentations du couple et fait voler en éclat les cases. Le regard des gens est souvent chargé d’interrogation et là, il faut pouvoir être assez fort pour assumer cette situation hors-normes.
Dans tous les cas, il n’y a aucune recette toute faite à la bisexualité… à nous d’inventer nos vies avec nos aspirations qui peuvent évoluer ou non dans le temps et selon les rencontres.
Sébastien, mon mari, a toujours été présent, il m’a soutenu et ce devant les uns et les autres. Parfois, je suis stupéfaite d’observer combien il comprend que la bisexualité existe.
Étant en situation de handicap et bisexuelle, je vis une double différence et parfois une double discrimination. Avec l’évolution des mœurs, je me permets de songer à une meilleure acceptation de ce double tabou.
Notre histoire en est toute aussi belle, à mes yeux, à leurs yeux.
Katy
Sur l’ancien site, 1 commentaire avait été laissé. Le voici.
Merci Katy pour ce témoignage très touchant qui me parle beaucoup. En région toulousaine moi aussi, mariée depuis plus de 20 ans, je me sens bisexuelle (j’ai connu une aventure avec une femme il y a plus de 25 ans et en ai parlé une fois à mon mari qui n’a pas été choqué). Je n’ai pas eu d’aventures extra-conjugales, mais je me sens parfois attirée par des femmes que je croise sans en parler car je sens que cela n’est pas partagé. J’espère parfois une rencontre qui me donnerait l’occasion de revivre cette émotion particulière, différente de ce que je partagé avec mon mari…
Bonjour. Jai appris ma bisexualite a l’âge de 30 ans .je l’ai mal vecu mais avec l’amour de mon conjoint et de ma famille y compris ma fille, j’apprends a m’accepter telle que je suis. Ce n’est pas simple mais mon conjoint m’explique tous les jours en me disant mon chaton ce n’est rien accepte toi comme tu es . beau témoignage