Jamais, aussi loin que remontent mes souvenirs, je ne me suis senti à l’aise dans un rôle masculin « classique ».
L’attrait pour la féminité, prenant maintes formes réelles ou fantasmées, a toujours été présent’: images, ambiguïté des genres et habillement « baba-cool » de l’après-68, travestissement en privé, vies de couples « de type hétéro »…
L’homosexualité masculine, dans un premier temps, a exercé sur moi de l’attirance-répulsion. Une rapide expérience de jeune étudiant m’a ouvert un champ du possible, tout en m’inquiétant réellement. En tombant amoureux d’un bel éphèbe à l’armée — la réciprocité n’était pas vraie… — qu’une barrière est tombée ; mais ce n’est qu’après que j’ai pu découvrir le plaisir anal.
Reste que les années SIDA, sur fond de timidité profonde, ont crispé la situation, et m’ont conduit à me recroqueviller sans toutefois écarter des pratiques y compris à risques.
Durant toute la période de l’adolescence et du jeune adulte -mais cela dure encore…-, l’attrait envers la suprême « fusion » des « she-males » s’est construit.
J’ai pu ainsi assumer mon désir d’ambiguïté dans mes « accoutrements », y compris en les rendant partiellement publics, et ce, grâce notamment à mes compagnes successives.
Tel est le creuset de ma bisexualité.
Ce n’est pas la seule dimension de ma personnalité.
Polyamoureux, je le suis depuis quelque 35 ans. Quand le premier couple battait de l’aile (mais étions-nous vraiment sortis de l’adolescence ?), j’étais déjà attiré par d’autres filles. Élans du cœur, complicités, investissements de soi, chaleurs, frôlements et tendresses.
Amoureux et pas forcément dans un registre sexuel. Inhibé et exhibitionniste dans l’intimité.
Le second couple a été beaucoup plus durable, et nous étions très « en phase ».
Jamais l’ombre d’une jalousie. Mais une relation faite de confidences, d’aides de l’autre dans ses blessures ou ses doutes, une construction de vie de famille, aussi recomposée qu’élargie…
L’une et l’autre avons eu des rapports avec des hommes et des femmes. Moi— très peu, en fait.
J’ai eu un autre grand amour avec une femme, qui a partiellement « tuilé » avec le couple décrit, et qui, après 15 ans à 2 habitations distinctes, s’est soldé par un peu moins d’un an de vie commune, interrompue par la saloperie de crabe. À cette dernière, j’avais dit aussi, comme au début à la précédente : « je ne peux te jurer fidélité, car un jour, j?aurai une relation avec un homme ». J’affirmai à chaque fois ma profonde bisexualité.
Des difficultés certes, du temps à trouver ses marques, des doutes « est-ce que je l’aime autant qu’elle m’aime ?… » De grands moments de bonheur, la famille (une de plus). Ce qui n’empêchait pas, là encore, les élans du cœur, ni une énorme connivence.
« Tu sais, il ne faudra pas que tu rencontres un homme.
-Mais, pourtant les choses étaient claires entre nous’
-Oui, mais il n’y aura plus de place pour moi !
-Mais si, il y en aura une.
-Ouais, bon, mais fais en sorte que je le sache pas.
-Mais c’est trop dur ce que tu demandes, dissimuler, je ne sais pas faire.
-Bah, de toute façon, quand je te verrai arriver avec un préservatif… »
Éclats de rire !
Depuis 2010, je vis une relation amoureuse incroyable. J’ai découvert tant de choses, nous avons tant de choses à vivre, à construire, même si nous n?habitons ensemble, et c’est très bien ainsi.
Il-elle m’accepte avec mon amour profond, indéfectible envers ma dernière compagne, gravée dans ma tête, dans mon cœur, sur ma peau, et sait me soutenir quand le souvenir, parfois, est trop à vif.
Il-elle a su notamment me rassurer, m’aider, s’effacer dans les moments difficiles voire destructeurs d’une relation avec celle que j’ai aimée avant tous les autres — relation qui a conduit au clash.
Jamais je ne pourrai satisfaire toutes les envies de la personne que j’aime. Et si elle est heureuse quand elle voit l’une ou l’autre, cela me rend heureux, doublement.
Bien sûr, la fragilité est là : et si demain, j’étais « de trop » ? Ce serait dur, très dur, mais bien moins que le couple étouffant qui parfois ne tient plus que par la convention, le conventionnel. Le seul remède : le respect de l’autre, des autres.
Je suis un infidèle fidèle !
Je suis ravi d’avoir été il y a peu parmi 25 amis de tous âges, dont 4 des femmes que j’ai aimées, qui savent, complices, mon bonheur présent.
Je suis sûr que le polyamour assumé — comme, pour moi, la bisexualité, le travestissement, l’ouverture aux autres, à tous, y compris transgenres, asexuels ou intersexués, etc. — est de nature à élargir l’horizon, déplacer les frontières, et participer à ma quête, disons, révolutionnaire.
Un soir d’octobre 2011, sur France 3, un super documentaire sur les transgenres s’est conclu ainsi : Tu vois le monde tellement plus large?
Marie-Vie
Lire aussi Apparence féminine – forum des images – automne 2011.
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