Issu d’une réflexion déjà ancienne (voir Bi’Causerie du 27/06/2016 et réactualisée le 24 octobre 2021) sur la non binarité, ce document est devenu au fil du temps un outil de référence pour notre association.
Texte
La bisexualité et la pansexualité sont une réalité, certes, nous sommes là pour en témoigner, et bien d’autres avant nous, puisque, comme le disent Bi’Cause et le manifeste des personnes bisexuel·le·s et pansexuel·le·s, Nos orientations sont vieilles comme le Monde.
Mais c’est une réalité mouvante, ou plutôt une réalité dont la conceptualisation humaine est en perpétuelle évolution.
On a donné d’elle une définition biologique (en botanique notamment : c’est posséder les organes des deux sexes (fin 18e siècle).
Une définition psychanalytique, la bien connue bisexualité innée de Freud, de Fliess, mais aussi de Stekel.
Une définition psychologique : ainsi Henry Havelock Ellis en 1915 la décrit comme l’attirance envers les deux sexes
Pour nous, la binarité se situe en critique réductrice de notre conception de la vie et de la bi/pansexualité.
Cette binarité qui, sous couvert de « nature », cantonne l’humanité dans deux sexes.
Cette binarité qui, même en affinant et en se situant sur le rôle social, ne connaît que deux genres.
Cette binarité des deux sexualités, hétéro, homo, toutes deux des monosexualités.
Cette binarité qui ne conçoit les « vrais bisexuel·le·s » que comme « équilibré·e·s » : 50/50. Même Kinsey et son échelle, sans parler de la grille de Klein, avait déjà dépassé ce cliché !
Mais aussi, la binarité qui sépare le sexuel de l’affectif.
N’oublions pas la conception binaire dans un certain regard social sur la transidentité : il faudrait impérativement avoir tous les attributs (psychologiques et morphologiques, chirurgie comprise) en passant d’un sexe à l’autre.
La binarité pense épuiser le sujet, elle prétend englober le tout. En fait, elle guette en permanence.
Ainsi, on est soit homme, soit femme ; soit hétéro, soit homo ; soit 50/50, soit (en fait) 100 % comme ci ou 100 % comme ça.
On est soit cisgenre, soit transgenre, ou encore soit en couple fidèle ou exclusif, soit
sans aucune construction commune…
Ces clichés laissent du monde de côté, quand ils ne sont pas cruels et violents :
En effet, comment faire quand on est intersexué (phénomène connu de longue date dans l’Antiquité) ? On en passe par la réassignation chirurgicale du nourrisson, pour être conforme à la sacro-sainte Norme d’état-civil.
Comment faire quand on ne se sent pas conforme aux comportements sociaux de genre ? On attire la dérision, on peut être confronté à l’exclusion, se faire accuser de trahison : alors s’étale la Norme sexiste.
Comment faire quand on ressent l’attirance multiple dont nous parlons dans le manifeste ? On se heurte à la Norme monosexuelle (une des composantes de la biphobie), qui nie l’existence de la bisexualité/pansexualité, au mieux qui édicte que c’est une transition.
Comment faire quand cette attirance multiple emprunte des formes différentes ou non constantes ? On est accusé d’instabilité, d’infidélité, d’immaturité au nom d’une Norme psychanalytique datée, de stéréotypes ancrés (tout cela composant ou contribuant à la biphobie/panphobie).
Comment faire quand on considère que la vie sociale dans un genre ne passe pas forcément par tous les attributs du nouveau genre (par exemple, qu’on n’ira pas forcément jusqu’à la chirurgie)? Parce qu’il est encore à la main du juge (qui depuis la loi de 20156 et les décrets d’avril 2017 ne peut se retrancher derrière les seuls critères médicaux), le changement d’état-civil peut vous être refusé. C’est encore, même écornée, la Norme judiciaire voire étatique qui s’applique, non conforme aux résolutions de
l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe… Bravo la France et ses leçons de droits de l’homme1 !)
Enfin, comment faire quand on considère que la relation ne se résume pas au couple de vie maritale ? On ne rentre pas dans le cadre du PACS, du mariage, les droits sociaux sont minorés – c’est la Norme sociale dominante.
Le propos n’est pas de rejeter tout ce qui est cisgenre, homo, mariage pour toutes/tous, chirurgie plastique, soutien psy… mais de lutter contre une forme de totalitarisme qui génère l’exclusion.
Catherine DESCHAMPS, sociologue, cofondatrice de Bi’Cause, a écrit – et visé juste !- dans Le miroir bisexuel :
« La bisexualité, davantage qu’une identité elle-même, est une formidable fouteuse de merde, une délatrice de l’invisible. »
La bisexualité/pansexualité n’entend pas, pour Bi’Cause, ériger une nouvelle norme.
Ce n’est pas « hors de la bisexualité et de la pansexualité, point de salut ».
En tant que fouteuse de merde, on doit accueillir les autres fouteuses de merde : l’asexualité, l’aromantisme, le féminisme, la polyamorie…
En tant que fouteuse de merde, on n’a pas le monopole ni la primauté, juste, peut-être, une toute petite longueur d’avance ; ainsi la bisexualité peut s’appuyer depuis 2010 sur la résolution 1728 de l’assemblée parlementaire du conseil de l’Europe).
En tant que fouteuse de merde, parce qu’elle a vécu et vit le rejet (bi/panphobie), elle est avant tout respectueuse de la personne, de ses aspirations, de ses doutes et quêtes.
Cela rend donc difficile de définir un archétype de nos orientations.
En revanche cela nous rend sensibles à la prise en compte des diversités même en-dehors de la orientation sexuelle et affective, et crée les conditions objectives de convergences notamment avec les associations Queers, Intersexes, Asexuelles, Aromantiques…
Et cela nous permet toute notre place dans les Marches des Fiertés, de l’ExistransInter, contre les violences faites aux femmes et aux minorités de genre, etc.