Texte Introductif de la Bi’Causerie du 25 novembre 2013
Il n’est pas courant qu’une histoire d’amour entre deux femmes (un peu d’avant, un pendant très complet, un après poignant) ait les honneurs de Cannes et de la grande distribution (mais on peu aussi le voir dans des salles indépendantes).
Le film aide-t-il notre cause, la cause des LGBT, la cause des bisexuelles et bisexuels ? Cela peut être un des thèmes de notre soirée.
Mais ce serait réduire singulièrement une œuvre d’art d’un cinéaste qui dérange. J’avais personnellement beaucoup aimé « La graine et le mulet », j’ai été plus déstabilisé par « L’esquive » que j’ai vu récemment. Je sors, il y a moins de 24 heures, de la projection de « La vie d’Adèle ».
Je vous propose les thèmes de débat et d’échanges suivants :
1) Pour celles et ceux qui ont vu le film, quel est votre ressenti global, l’avez-vous apprécié, êtes-vous « rentré-e » dans l’histoire, avez-vous été touché-e par elle ?
2) Nous décrit-il essentiellement des lycéens et étudiants qui, malgré les manifs et Marche des Fiertés, ont du mal à se situer dans leur vie, leurs sentiments ?
3) Peut-on voir au travers des personnages principaux mais aussi secondaires (les parents respectifs, le galeriste, les collègues…) des rôles sociaux qui influent –et à quelle ampleur – sur les comportements ?
4) Il est fait référence, au début du film, à Sartre ; les existences des deux héroïnes déterminent-elles leur essence ? Le film ouvre-t-il débat sur l’être humain ?
5) L’artiste par sa réalisation nous a-t-il touché-e-s, ainsi que les acteurs et actrices ? On pourra recycler le débat « professionnalo-people » sur les différents et les propos tenus par et au sujet des protagonistes…
6) Le film montre entre les deux femmes des scènes d’amour physique ; sont-elles, à votre avis, déplacées, justes (que l’expérience parle !), belles ? Rappelons-nous le plaidoyer récent de Cy Jung pour l’érotisme lesbien. Est-ce ici le cas ?
7) Si j’avais à définir l’amour, grossièrement, je dirais que c’est un trouble profond, que ce soit le coup de foudre, une belle séance au lit, ou des tranches de vue sociale. Émoi, émoi, émoi, chante le poète. Est-ce un film d’amour ? Un film sur l’amour ? Un film sur l’amour impossible ?
8) On filme des rejets : de la part des copines de classe ; de l’une, Emma, à l’égard de l’autre, Adèle, lors d’une scène éprouvante. On filme des incompréhensions : ne pas « le » dire à ses parents, ou à ses collègues de travail. Est-ce une clé du mal-être ?
9) Il y a un propos clair de dégoût et de rejet de l’homme (du style « tu suces d’abord une bite, puis tu viens m’embrasser ! »). Cela prouve-t-il que la femme rejetée (Adèle) est bisexuelle ? Que la binarité, en l’occurrence, fait des ravages ?
10) Le terme même utilisé et répété (« tu es une pute »)1, ce terme est-il à mettre à charge d’un comportement de type masculin classique, dominateur et exclusif ? Le polyamour pourrait-il sauver le monde ou serait-il un mythe ?
11) Le thème de la (des) jeunesse(s) est très présent : depuis le bébé qui va naître et ensuite cimenter une famille stable (homoparentale et lesbienne), aux enfants de maternelle et de CP (avec une instit’ qui semble « s’encroûter ») ; à l’autre extrémité, qu’on me pardonne ce lieu commun de « vieille barbe », mais pour le coup de foudre puis la vie en couple, elles sont bien jeunes. Comment se construire, de la déception au rebond, à la renaissance ?
12) Le tout, sachant que le film est assez peu fidèle à la bonde dessinée, qui est sans doute si ce n’est un chef d’œuvre, du moins une grande réussite. « Le bleu est une couleur chaude », affirme-t-elle ; si chaude qu’elle en devient très noire, puisque, au-delà de la violence de la rupture, la BD s’ouvre et se clôt sur l’après-Adèle qui vient de décéder.
Je ne saurais trop inviter celles et ceux qui ne l’ont pas vu à se « faire une toile » ou plus tard un DVD, mais aussi à lire la bande dessinée.
Voilà ; sans obligatoirement aborder tous les items, et dans un ordre pas forcément rigoureux, que les bouches s’ouvrent, et ultérieurement, pourquoi pas, que les claviers crépitent…
Vincent
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