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Suite à la Bi’Causerie du 27/01/2014/
A propos de la loi d’abolition de la prostitution et de pénalisation du client
La fin de l’année 2013 a été, entre autres, agitée par le débat législatif au sujet de la prostitution avec comme mesure phare la pénalisation du client, dans une affirmation du régime abolitionniste français.
Bi’Cause comme d’autres associations LGBT a été sollicitée pour rejoindre un camp ou l’autre. Comme beaucoup nous n’avons pas répondu car en tant qu’association nous n’avons jamais discuté de la question
Le débat va rebondir inévitablement, dans la mesure où le projet de loi viendra en discussion au Sénat, puis fera l’objet d’un vote final à l’Assemblée.
Nous proposons quelques notions pour mieux comprendre ce vaste champ, l’expression des positions/opinions des uns et des autres afin d’apporter des arguments constructifs au débat, afin d’aller, si possible vers une position (pouvant être nous choisissons de ne pas choisir…)
**Introduction
Il s’agit pour Bi’Cause de recenser les positions et les problématiques, de poser les questions en vue de lancer la réflexion, de plus devant une assemblée, même pas très nombreuse?; le débat étant public, des militant-e-s du STRASS (Syndicat des Travailleurs-euses du Sexe) sont venu-e-s nous rejoindre.
Quelles définitions peut on trouver??
Il y a d’abord un grand débat sémantique. Selon les appréciations :
- on vend son corps
- on loue son corps
- on offre une prestation.
Les termes utilisés sont chargés de sens et présupposent des visions radicalement différentes, voire divergentes – sachant tout de même que les personnes qui se prostituent ont toujours leur corps’
On parle parfois de « prostitution libre ».
A l’opposé, il existe de réels réseaux esclavagistes. Dans ce cas, les prostitué-e-s sont vendues par autrui.
Cela peut conduire à déterminer différents types de prostitution :
- l’esclavagisme ; les mafias ; les gens chassés de leur pays par une grande misère – voire chassés dans leur pays par les réseaux…
- la prostitution subie pour des raisons financières, économiques, qui peuvent aller de la situation de survie, de l’échec professionnel (« j’aimerais bien faire autre chose, mais… ») au complément de revenu « pour joindre les deux bouts », pour les études de l’enfant qu’on élève seule…
- le libre choix « j’ai choisi d’exercer ce métier ».
On le voit, l’éventail détermine lui-même des degrés très différents de liberté.
Quels régimes juridiques recenser :
- La prohibition : tout acte prostitutionnel est interdit ; sont pénalisés la personne, le client, le réseau…
- L’abolition (c’est le régime en France) : la prostitution est autorisée, mais on fait tout pour l’empêcher ; à ce titre, dans le projet de loi, le client est notamment visé ;
- La réglementation : il s’agit de « canaliser »(Cela a été le cas de la France du temps des « maisons closes », c’est le cas des Pays-Bas, de l’Allemagne, de la Belgique), de mettre en place quelques droits sociaux assortis d’une dose variable de contraintes(Ainsi, en Grèce, un-e prostitué-e ne doit pas être marié-e ; en Autriche, il-elle doit fournir un bulletin de santé à « l’employeur » (propriétaire ou gestionnaire du lieu de prostitution)) ; un des buts poursuivis est de « ne pas contaminer les bonnes gens »…
- Le dernier régime est prôné par les travailleurs-ses du sexe. Il consisterait en l’application simple du droit commun existant (Code du Travail, Code du Commerce…), d’activités de profession libérale ou de coopératives, de statut d’auto-entrepreneur, etc.
Questions « philosophiques » ou sociales posées :
1) Y a-t-il une violence faite aux femmes ? Et dans ce cas, quid de la prostitution non féminine (hommes, trans) ?
2) Y a-t-il une violence à l’encontre des personnes ? Dans ce cas, serait-ce une violence issue d’un rapport de forces défavorable entre la personne prostituée et le client ?
3) Est-ce une violence en soi, ou plutôt une violence liée à la façon dont la prostitution s’exerce (clandestinité, précarité, réseaux de proxénètes) ? ou encore, si on donnait d’autres moyens, cette violence existerait-elle encore ?
4) Il y a d’autres travailleurs du sexe que les prostitué-e-s : les personnes qui font du cinéma porno, du massage sexuel, de la danse érotique. C’est d’ailleurs ainsi qu’ils-elles se définissent.
5) On entend souvent « souhaiteriez-vous que votre enfant devienne travailleur-euse du sexe ? »; et jamais pour d’autres métiers, pas toujours reluisants(Cités dans le débat : trader ; flic ; éboueur) ; pourquoi?
**Les éléments qui ont été mis au débat, dont quelques rares expériences comme « client », sont les suivants :
Quels vont être les effets de la pénalisation du client sur :
- la sécurité des prostitué-e-s : n’y aurait-il pas un risque croissant de clandestinité, donc de dangers accrus de clients violents, de pratiques à risques forcées, globalement, de précarisation ?
- l’accroissement du poids des réseaux : les proxénètes se présentant comme plus à même de garantir la clandestinité (au sens « sécurité de l’acte »), y compris vis-à-vis des personnes « libres » ?
- les libertés publiques : les adresses de professionnel-le-s seront de plus en plus surveillées via les recherches et prises de contact par les clients ; déjà sous l’ancienne législation (pénalisation du « racolage passif ») on a vu des blocages de sites Internet, des poursuites contre des personnes qui indiquaient par stickers leurs coordonnées etc…
- En quoi l’acte d’amour physique ou autre est-il compatible avec une relation marchande ? Si on est contre les métiers « à la con », pourquoi défendre celui-ci ? Si on est pour l’abolition du salariat, pourquoi vouloir garder un tel système marchand ?
La relation amoureuse peut être déséquilibrée, du fait par exemple de conditions sociales différentes entre les partenaires. Pourquoi banaliser la relation payante ?
Plus généralement, si on veut faire vraiment diminuer la prestation tarifée dans ses manifestations les plus « classiques » ou brutales, ne faut-il pas mettre tout en œuvre pour « asphyxier la prostitution » : contre le chômage, les travailleurs pauvres, les étudiants pauvres, sans oublier les personnes trans qui étant rejetées n’ont parfois d’autres recours que la prostitution ? - Ne faut-il pas une vraie évolution de la lutte contre le proxénétisme ? La loi française frappe aussi celui ou celle qui profite indirectement des revenus de la prostitution « familiale » et le système organisé et mafieux. Il y a une injustice envers les premiers, non ?
- Peut-on craindre un regain de manifestations d’obédience « défense et retour à l’ordre moral » ? Plusieurs parlementaire ont demandé en substance « pourquoi on ne s’attaquerait pas à la pornographie(Plutôt, semble-t-il, pour provoquer la contradiction dans la position gouvernementale ou majoritaire de l’Assemblée.)? » ; le risque est-il réel ? Si oui, peut-on l’ignorer ?
Poussons la logique à l’extrême : le droit au mariage étant instauré pour tous (enfin, si l’on excepte les 11 nationalité), un effet pervers ne peut-il être un regain de la dénonciation sociale, voire pénale des relations hors mariage ?
Il semble que la loi instaure la notion « d’égalité dans le désir ». En quoi le désir peut-il ressortir de dispositions législatives ? - Une partie des prostitué-e-s sont des étrangers réputés « entrés illégalement en France » ; ces personnes sans papiers ne vont-ils pas être encore plus en danger ? Ne doit-on pas faire un parallèle avec la « politique du chiffre » qui est affirmée par le Ministère de l’Intérieur ? Ne risque-t-on pas en plus de favoriser les « règlements de compte entre communautés » (exemple : expulsion des prostituées femmes ou trans africaines de tel espace) ?
- Comment croire que l’on va réellement pénaliser les personnalités « des hautes sphères » clients de prostitution « haut de gamme » ? Ne risque-t-on pas de renforcer une politique de type »deux poids et deux mesures » ?
Les débats sur la loi ont aussi tourné autour de l’aide à la sortie du système prostitutionnel. Une allocation était prévue à hauteur de 11,20€ par jour (ce qui semble assez dérisoire) : elle a été enlevée ([Précisément, extrait des propos de Mme Vallaud Belkacem en séance parlementaire : Le Gouvernement a décidé, pour ces raisons, de privilégier à ce stade la création, pour toutes les personnes qui s’engagent dans un parcours de sortie de prostitution, d’une aide financière spécifique. Elle sera financée par le fonds dont nous parlons depuis tout à l’heure prévu à l’article 4.)]. Comment lutter réellement contre la détresse sociale sans moyens ? - Le Conseil National du SIDA, l’ONUSIDA, l’OMS, Médecins du Monde sont très critiques par rapport aux lois pénalisant la prostitution, nuisibles à la santé des personnes qui la pratiquent; cela n’interpelle pas les porte-parole et soutiens de la loi ?
- Dans plusieurs pays, des organismes de la société civile ont une vision différente de celle qui prévaut dans cette loi. Ont été cités : l’existence de syndicat des travailleurs du sexe à Taiwan, des guides canadiens ou belges en direction des prostitué-e-s sur leurs droits, etc.
Le STRASS en a connaissance et les met (va les mettre) en ligne sur son site.
Bi’Cause propose d’ouvrir un forum sur ces aspects. Ils pourront éventuellement être suivis d’une prise de position, ou pas, suite à une réunion des adhérent-e-s convoquée à cet effet.
Introduction du débat : Nicolas ; transcription : Vincent
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